Laboratoire de recherche en Paléomagnétisme

et Géologie marine


Une des découvertes de l’année 2011 selon le Soleil

mardi 10 janvier 2012


Voici l’article provenant du Soleil du 28 décembre 2011.

Un article produit par Guillaume St-Onge ainsi que Joseph Stoner a été déclaré une des découvertes de l’année 2011 au Québec par Le Soleil

(Québec) Il y avait beaucoup de docteurs qui se pressaient, depuis quelques années, au chevet du champ magnétique terrestre. Son état de santé inquiétait. On le voyait pâlir petit à petit depuis les années 1840. Son pôle Nord devenait de plus en plus erratique. D’aucuns lui pronostiquaient même une inversion des pôles à plus ou moins brève échéance. Jusqu’à ce que Guillaume St-Onge l’ausculte dans ses plus hautes latitudes...

Il y avait bien des signaux, tout ce qu’il y a de plus réels et mesurables, qui montraient qu’il se passait « quelque chose » avec le champ magnétique terrestre, dont l’intensité connaît une baisse « de l’ordre de 5 % par siècle depuis 1840 », dit M. St-Onge, professeur de géologie marine à l’Université du Québec à Rimouski. En outre, la position du pôle Nord magnétique s’avère singulièrement instable depuis le début du XXe siècle : si le pôle Nord magnétique ne s’est déplacé que de 50 km entre deux mesures prises en 1831 et en 1904, il a parcouru pas moins de 1700 km au cours du dernier siècle.

Mais toute la question était de savoir si ce comportement était « anormal » ou banal. En examinant les archives historiques, qui remontent 400 ans en arrière, on pouvait certainement pencher pour la première possibilité. Après tout, les 1700 km de pérégrinations du pôle Nord sont surtout survenus dans les dernières décennies, à des vitesses dépassant souvent les 50 km par année ! De là, l’hypothèse d’un renversement des pôles - par lequel le magnétisme des pôles Nord et Sud s’inverserait, ce qui ferait que nos boussoles, par exemple, pointeraient vers le sud - pouvait devenir tentante. Mais comme la dernière inversion s’est produite il y a près de 800 000 ans, nos 400 ans d’archives historiques ne pesaient pas bien lourd.

Il fallait remonter plus loin, mais le magnétisme ancien ne se laisse pas mesurer facilement. On peut avoir des mesures presque parfaites en regardant l’alignement de petits morceaux de fer prisonniers dans la lave que crachent les volcans. Mais « le désavantage, dit M. St-Onge, c’est que ce ne sont pas des enregistrements qui sont continus ». Les poteries peuvent elles aussi garder la trace du champ magnétique terrestre, poursuit-il, mais elles sont intimement liées à l’agriculture, et on n’en trouve donc pas partout, ni pour toutes les époques.

Heureusement, il existe aussi des dépôts de sédiments, au fond de certains lacs, où des morceaux de magnétite se sont déposés au fil du temps, pendant des siècles. Ce sont là des archives bien imparfaites, « parce qu’il y a des facteurs qui empêchent la magnétite de s’aligner sur le champ magnétique. Il y a des organismes, par exemple, qui peuvent déranger l’alignement », explique le chercheur. Mais cela reste suffisant pour calculer l’emplacement du pôle Nord magnétique.

M. St-Onge et son collègue américain Joseph Stoner, de l’Université d’État de l’Oregon, ont donc prélevé des sédiments au fond du fjord Disraeli, sur l’île Ellesmere, dans le Grand Nord. Et les résultats laissent peu de place au doute : l’actuel « vagabondage » du pôle magnétique n’a rien d’exceptionnel.

Au contraire, vers l’an 200, il se trouvait complètement de l’autre côté de l’océan Arctique, dans le nord de la Sibérie. Pendant les cinq siècles, il a progressivement contourné cet océan pour traverser le Groenland et arriver dans ce qui est maintenant l’Arctique canadien. Puis il est reparti vers la Sibérie, mais a bifurqué à mi-chemin pour redescendre jusqu’à la mi-chemin, grosso modo, entre la Norvège et l’Islande (vers l’an 1250), pour ensuite retraverser le Groenland et revenir de nouveau en Amérique du Nord, lit-on dans un article publié cette année dans la revue savante Oceanography.

« C’est un des points importants de notre article : ce qui se passe aujourd’hui s’est déjà produit dans le passé », dit M. St-Onge. Le comportement du pôle dans les dernières décennies ne préfigurerait donc pas un inversement prochain du champ magnétique terrestre.

L’autre point important, poursuit le géologue, est que les mesures réalisées si loin dans le Nord démontrent que le champ magnétique se comporte différemment à de très hautes latitudes. « C’est probablement dû au fait qu’il y a deux sortes de convection différentes dans le noyau terrestre [convection qui est à la source du champ magnétique] », dit M. St-Onge.

Le noyau de la Terre, comme on le sait, est fait principalement de fer. Sa partie interne, bien qu’extrêmement chaude (5500 °C), est solide à cause de la forte pression qui règne au centre de la planète, mais sa partie externe, elle, est liquide. S’y produisent donc des mouvements de convection, ce phénomène par lequel un fluide plus chaud que son milieu ambiant a tendance à remonter à la surface. Un peu comme l’eau d’un chaudron sur le feu, à une (au moins) grosse différence près : comme la Terre tourne sur elle-même, cette convection s’organise spontanément en espèces de « rouleaux », parallèles à l’axe de rotation de la planète. Ce sont ces rouleaux qui génèrent la plus grande partie du champ magnétique. Mais près des pôles, entre les rouleaux, « on a une convection différente, un peu comme si vous aviez un ouragan qui tourne », dit M. St-Onge.

À cause de cette différence, a-t-il trouvé, l’intensité du champ n’a pas varié de la même manière dans l’extrême nord que plus loin des pôles, où cette intensité a connu des hauts et des bas plus fréquents. Cela pourrait, à terme, mener M. St-Onge à des découvertes fondamentales sur la nature du champ magnétique terrestre. Mais c’est une autre histoire...

Vous pouvez consulter l’article originale de Jean-François Cliche sur le site de Cyberpresse.

Source : http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/science/201112/27/01-4481225-le-pole-nord-nest-pas-malade.php


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